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TRANSMISSION

Atelier de réflexion sur la littérature comme Passage de témoins

 À l’occasion du 60e anniversaire de la revue Les écrits

 mercredi 19 novembre 2014 de 10h à 17h

Passage de témoins est le titre des deux numéros doubles de la revue Les écrits qui rassemblent chacun vingt duos d’écrivains : un défilé d’auteurs jeunes et moins jeunes qui témoignent de l’éternelle jeunesse d’une littérature qui a pourtant atteint, à l’instar de la revue, une grande maturité et un plein épanouissement à travers plus d’un demi-siècle d’épreuves et d’expériences qui n’ont cessé de la renforcer, nonobstant le peu de cas qu’on fait d’elle aujourd’hui dans les médias et sur la place publique. Un « passage » de poètes, de romanciers et d’essayistes saisi au moment où le « bâton à message » que représente la parole-témoin passe de main en main ou de bouche en bouche pour assurer la transmission de la voix et du regard que la littérature consacre depuis toujours à notre monde et à son histoire. Dans transmission il y a mission : l’écrivain n’est pas un missionnaire, encore moins un commissaire ou un simple commissionnaire qui transporte un message d’un point à un autre sans en être l’auteur ni le destinataire, mais il est sans aucun doute un émissaire au sens étymologique du terme, le mot latin emissarium ne désignant pas tant l’« envoyé » ou l’« espion », comme on le croit trop souvent, que le « canal d’évacuation » du trop-plein de sens, d’idées, d’images ou d’émotions qui constituent la mémoire et l’imagination d’une communauté à une époque donnée, le système de canalisation du rêve, des remords et des regrets, des désirs et des peurs qui sous-tend jusque dans les sous-sols les plus profonds l’espace public dans lequel un peuple se meut sans toujours savoir où il va et d’où il vient, que la littérature seule peut lui faire voir et entendre en « émettant » depuis les souterrains où circulent les flux de sens et de non-sens, de sons et d’ultrasons, de raisons et de passions sur lesquels la vie commune repose ou s’agite. La littérature est la « veine émissaire » qui relie le corps social à son système nerveux central, l’artère souterraine ou le conduit secret grâce auxquels l’énergie vitale d’une société circule librement dans toute sa chair et son esprit où se rencontrent les passions les plus troubles qu’elle vit et les représentations les plus riches qu’elle crée. L’écrivain est un conducteur d’air, un connecteur de souffle, un canalisateur d’énergie qui ne se contente pas d’émettre des messages ou de transmettre des idées mais assure par sa voix et son regard d’émissaire le liant du sens et de l’insensé comme on parle de lien du sang au sein des communautés la plus hétérogènes, dont les attaches les plus solides sont de nature symbolique bien plus que généalogique.

Une revue comme Les écrits, vouée depuis 60 ans à la libre circulation des forces vives de la parole et de la pensée, ne pouvait fêter son anniversaire — et celui de la littérature tout entière, dont elle a largement favorisé le développement — qu’en mettant en réseau les différentes générations d’auteurs qui assurent depuis sa fondation la pérennité et l’incessante métamorphose des « canaux de communication » qu’elle a contribué à mettre en place. Nous avons donc constitué des duos d’écrivains formés de cadets et d’aînés afin de rendre sensible au lecteur ce passage de témoin dans lequel l’un ne cède pas la parole à l’autre, qui ne se l’approprie pas non plus, mais où l’un et l’autre partagent un même souffle, un même air, une même énergie, comme ils partagent une mémoire ou un imaginaire faits de singularités irréductibles, dues au ton et au style de chacun, mais qui constituent un seul grand labyrinthe de conduits symboliques nous rattachant à notre passé le plus lointain comme à notre avenir le plus incertain, double « inconnue » dont la littérature ne cherche pas tant à résoudre qu’à déployer l’équation. Le monument de plus de 800 pages que constituent ces deux numéros doubles par lesquelles nous commémorons la longue vie des Écrits n’est pas proprement un mémorial, destiné à perpétuer le souvenir d’un passé qui remonte loin et demeure riche d’évocations, mais l’esquisse ou la maquette d’un avenir qui s’y dessine avec la précision d’un véritable plan, où l’on devine les différentes directions que l’imaginaire peut prendre : ce n’est pas un inventaire qu’on y fait, afin de nourrir les archives et les annales de l’histoire, mais l’expression d’une inventivité sans fond à laquelle on laisse toute la place pour que se manifeste la puissance renouvelée de la parole, nécessaire à la survie d’une culture encore jeune, toujours en pleine croissance.

L’atelier du 19 novembre réunira plusieurs auteurs du no 142 qui réfléchiront en duo sur l’expérience de « transmission » en quoi a consisté l’écriture de leurs textes en tandem et sur le caractère transmissif de la littérature en général.

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