Mur Mitoyen devient Caligram!
Une nouvelle plateforme moderne et agréable, actuellement en version bêta.

 à 

109
5455, avenue de Gaspé , Rez-de-chaussée - espace 109
Montréal (QC) Canada  H2T 3B3

Du 7 février au 5 avril 2019
Vernissage le 7 février à 19 h

Justin Bennett, Eleni Kamma, Vincent Meessen, Jasper Rigole, Vermeir & Heiremans


Programme vidéo présenté en écho à l’exposition de Vincent Meessen à la Galerie Leonard et Bina Ellen, du 17 novembre 2018 au 23 février 2019.

Jubilee ― plateforme de recherche et de production artistique

Fondé en 2012, Jubilee a d’abord été un espace de dialogue entre artistes et travailleurs culturels qui considéraient la collaboration et la recherche artistique comme des manières essentielles de travailler. Depuis, Jubilee a évolué pour devenir une plateforme gérée par des artistes et offrant un soutien continu au travail de six artistes, tout en accueillant sur une base ponctuelle des projets d’artistes en lien avec les recherches collectives instiguées par la plateforme. Le mandat de Jubilee est double. C’est, premièrement, une organisation destinée à la production du travail de ses membres qui, depuis 2015, sont Justin Bennett, Eleni Kamma, Vincent Meessen, Jasper Rigole et Vermeir & Heiremans. C’est, deuxièmement, de par les intérêts que partagent ces artistes, des projets de recherche collectifs et performatifs qui se concentrent sur les conditions de la pratique artistique et qui impliquent des collaborations avec des artistes, des commissaires, des chercheurs académiques et autres professionnels, des écoles d’art, des universités et des institutions (artistiques).

Pour les artistes de Jubilee, la collectivisation et le partage de partenariats est une manière de mettre en commun des réseaux, de la visibilité et d’autres ressources, tout en diminuant les responsabilités liées aux levées de fonds, à la comptabilité et aux frais juridiques. Jubilee demeure toutefois, en premier lieu, une plateforme d’échange, de contenu et de discussion. Ensemble, les artistes membres de Jubilee constituent la direction artistique de la plateforme et, selon leurs pratiques respectives, travaillent avec divers médias sur une grande variété de sujets, mais toujours sur la base d’une recherche collective, qui favorise des connaissances transversales dans un large éventail de perspectives.



PROGRAMME ― 127 minutes

(Horaire : midi ― 14 h 30)

 

Vermeir & Heiremans, The Good Life, a guided tour (2009) ― 17 min.

À l'arrière-plan, des techniciens installent une exposition prestigieuse tandis qu'une dame élégamment vêtue guide un groupe de personnes à travers une série d'espaces blancs épurés, dont certains sont remplis de caisses et de tableaux emballés. En cours de route, elle ne se contente pas de commenter l’art, mais révèle également le bâtiment d’un point de vue unique. Décrivant les intérieurs, les points de vue extraordinaires et le dynamisme des opportunités qu’offre la ville, la dame s’avère être une agente immobilière vendant une proposition architecturale haut de gamme et un style de vie qui associe la «valeur» de l’art à ses institutions. Traversant le bâtiment labyrinthique, elle se retrouve perdue dans des couloirs et des escaliers étroits. Pendant ce temps, le futur développement se dessine dans l’imaginaire collectif du groupe, nourri par le modèle architectural visionnaire exposé.

The Good Life, a guided tour redéfinit notre perception de l’institution artistique et nous sensibilise à son rôle dans la «ville créative», un phénomène qui se joue dans les métropoles du monde entier. La femme, qui semblait d’abord être une guide d’exposition, se transforme en agente immobilière vendant une proposition architecturale visionnaire. Son langage hyperbolique est tiré d'extraits d'articles d'archives de presse du Bristol Architecture Institute, d'annonces et de brochures immobilières, etc. Les espaces immaculés dans lesquels elle se promène semblent être situés dans un grand musée alors qu’il s’agit de plusieurs «cubes blancs» situés en Angleterre et en Belgique. Le cadre apparemment «neutre» de l’espace de la galerie qui enveloppe le patrimoine spirituel et culturel de notre société s’écarte à la faveur d’une opportunité immobilière. L'agente immobilière est l'incarnation du déni de l’impact négatif que pourrait générer la course «créative» que se mènent les villes dans un contexte néolibéral. Grâce à un langage générique, excluant toute notion de «gentrification», sa visite toute en hyperboles crée une identité exclusive.

Le traitement minutieux du son — ainsi que son absence — perturbe la perfection insoutenable de l'architecture et de sa mise en images, rendant tangible la vacuité du bâtiment, qui en réalité est ce que l'agente immobilière vend : un fantasme de vie projeté sur une coquille vide.

Vincent Meessen, One.Two.Three (2016) ― 30 min. (version monobande)




Dans One.Two.Three, Vincent Meessen débute en contournant le piège de la mythologie qui entoure l'Internationale situationniste, dernier mouvement international d'avant-garde de la modernité occidentale, dans lequel Guy Debord a été consacré en tant que héros et épicentre d'une révolution. L’œuvre revisite plutôt une partie de l'histoire de ce mouvement qui a, jusqu'à présent, été ignorée. Le point de départ de l'œuvre est la découverte, dans les archives du situationniste belge Raoul Vaneigem, des paroles d'une chanson de protestation écrite par le situationniste congolais Joseph M'Belolo Ya M'Piku en mai 1968. Travaillant avec M'Belolo et de jeunes musiciens à Kinshasa, Vincent Meessen a produit une nouvelle interprétation de la chanson. La disposition cinématographique fragmentée de l’œuvre offre une traduction spatiale de cet arrangement collectif de subjectivités.

Le labyrinthe multicolore d'Un Deux Trois, le club qui a abrité le mondialement célèbre orchestre OK Jazz dirigé par Franco Luambo, figure clé de la modernité artistique au Congo, offre un cadre idéal pour une dérive musicale. Sur fond de rumba congolaise — genre populaire et hybride par excellence —, d’architecture vernaculaire menacée et de rhétorique révolutionnaire du passé, le film met en musique le récit de rencontres inattendues et l’une de ses résultantes : la chanson de M’Belolo.

Transformé en un espace expérimental par des musiciens qui, au cours de leurs déambulations tentent de se mettre au diapason, le club devient une chambre d'écho pour les impasses de l'histoire et les promesses inachevées de la théorie révolutionnaire. Et tandis que M’Belolo Ya M’Piku redécouvre la chanson qu’il avait perdue, des soulèvements populaires éclatent à Kinshasa, directement à l’extérieur des murs du club de rumba. Malgré le cycle de violence et la militarisation de la vie quotidienne, un espace est créé pour le jeu, la polyphonie et la danse. La restitution qui compte vraiment dans One.Two.Three est peut-être moins celle de la chanson que celle de l’émancipation elle-même, qui, irrésolue par nature, reste condamnée à une «intemporelle répétition».




Justin Bennett, Raw Materials (2011) ― 23 min.

Dans Raw Materials, Justin Bennett questionne ce qu’il est possible d’entendre dans des enregistrements sonores de terrain (field recordings). Le protagoniste inscrit une lettre en écoutant des sons provenant de ses archives. Il écrit sur la capacité du son à susciter des souvenirs, à évoquer des événements, des lieux et des émotions. Il joue à un jeu avec lui-même et les spectateurs, en nous impliquant : «Tu te souviens? Tu étais là toi aussi.» Pouvons-nous écouter une archive sonore comme un journal intime, comme un récit de fiction ou comme une preuve légale? Le créateur est-il un auditeur, un acteur ou un auteur? Et quels enregistrements a-t-il effacés et pourquoi?

L’enregistrement sonore de Bennett est comparable à l’enregistrement d’une image vidéo. Il se sert de divers microphones pour changer de perspective, comme l’on changerait d’objectifs sur une caméra. Les microphones — les points d’écoute de l’auditeur — se déplacent dans une ville, une rue, une toundra venteuse de Russie ou dans les différents espaces sonores d’un bâtiment.

Dans de nombreuses œuvres et installations de Bennett, le son est complété par des images vidéo qui affectent aussi différemment l'expérience du visiteur. Dans certains de ses projets de recherche, le matériel audiovisuel est juxtaposé à des voix hors champ et à des dessins, cartographiant l'espace, les mouvements, le son, les champs magnétiques, etc., au moyen du langage et de diagrammes. Une réciprocité est ainsi créée entre différentes formes d’expression : un dessin ou un texte peut devenir une partition, le son et l'image deviennent des façons de dessiner et d'écrire.

Le travail de Bennett est aussi une recherche sur le son et l’image en tant que média spécifique, et une exploration de la façon dont ils peuvent être utilisés et expérimentés. Sa façon de travailler fait apparaitre des complémentarités inattendues, des synesthésies, des collisions et des manipulations de l'esprit.




Eleni Kamma, Yar bana bir eğlence. Notes on Parrhesia (2015) ― 37 min.

Dans son premier film cinématographique, Eleni Kamma revisite la tradition du théâtre Karagöz et son rôle dans la création d'une voix politique.

Bien que Karagöz soit un personnage local symbolisant le «petit homme» dans les limites de l’Empire ottoman, il appartient à une plus grande famille de théâtre de marionnettes. Il parle de ce que les gens veulent entendre et de ce que les gens veulent dire. Jusqu'en 1870, malgré «la monarchie absolue et un régime totalitaire», Karagöz «défia la censure, bénéficiant d'une liberté illimitée». Le théâtre Karagöz a souvent été utilisé comme une arme politique pour critiquer les abus politiques et sociaux locaux par le biais de phrases vides, d'illogismes, d'obscénité extrême, de surréalisme et de répétitions. En 1923, cet Empire aux multiples voix céda la place à une république turcophone au sein de laquelle les caricatures à caractère ethnique n’avaient plus aucun sens. Avec la montée des nouveaux médias, la popularité de Karagöz et d'Orta Oyunu a diminué encore davantage.

Yar bana bir eğlence. Notes on Parrhesia aborde le terme «parrhesia», qui implique non seulement la liberté de parole mais aussi l’obligation de dire la vérité pour le bien commun, même en se mettant à risque, pour questionner comment la notion de divertissement entre en lien avec l’expression personnelle et la participation publique.

C'est ici que l'artiste fait le lien avec les manifestations du parc Gezi en 2013, au cours desquelles l'humour et la créativité étaient des éléments clés pour se moquer des régimes politiques. Des fragments de films des archives de la télévision nationale chypriote alternent avec les voix de maitres de Karagöz chypriotes, grecs et turcs, qui discutent de la langue, de l'histoire, des outils et du rôle politique du médium.

Le film est un essai visuel dans lequel des questions politiques actuelles et pressantes se mêlent à l’histoire et à l’abstraction et dans lequel la minutie de la recherche rencontre la poétique des associations. Comment avancer? Pouvons-nous apprendre quelque chose des vieux maitres? Parfois, le regard est dirigé vers le spectateur. Pour dire ce que vous pensez, vous devez d’abord vaincre la peur en prenant une profonde respiration.




Jasper Rigole, Temps mort (2010) ― 20 min.

La majorité des films de famille (home movies) sont tournés en vacances. Quand les gens reviennent de voyage, ils sont très curieux des images qu’ils viennent de capturer. Il reste cependant encore souvent du film dans la caméra.

Le film Temps Mort utilise ces petits fragments filmés afin de remplir la bobine, avant de pouvoir la faire développer. Aux yeux de Jasper Rigole, ces plans de jardins vides, d’animaux domestiques et de parterres de fleurs sont plus vrais que n’importe quel fragment de film familial. Le terme «temps mort» fait également référence aux films de Michelangelo Antonioni. Ce terme ayant été utilisé pour décrire la manière dont la caméra d’Antonioni erre et s’arrête fréquemment sur des détails dans le cadre qui sont apparemment insignifiants, des éléments hors de la narration qui ont pour effet de vider de leur sens les événements qui viennent de se dérouler.

Rigole est le fondateur et le conservateur du (fictif) Institut international pour la conservation, l’archivage et la distribution des souvenirs d’autres personnes (2004). Ce projet multimédia en cours est une collection originale et vivante de films linéaires et de projets d'art multimédia créés à partir de films trouvés, de photographies et de documents que l'artiste a colligés au fil des ans. Comme il s’agit d’un projet artistique en cours, c’est en soi une archive virtuelle en constante expansion faites des images que Rigole a recyclées. Et il ne s’agit là que d’une fraction des énormes archives de films analogiques issues d'images anonymes en 8 mm que Rigole a recueillies lors de ventes aux enchères ou dans des magasins de seconde main et des marchés aux puces. Il utilise ces films familiaux trouvés pour réaliser des films imaginaires qui situent ces images du passé dans un contexte et une esthétique contemporains, en combinant des éléments de genre littéraire et référentiel.

Son style peut être décrit comme une forme cinématographique de récit de vie, une forme expérimentale qui rappelle le travail de Jorge Luis Borges et de Georges Perec, deux sources d'inspiration importantes pour Rigole.

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